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ht-frneaux-traditionnels.jpgNotre frère et excellent  ami, Cissé de Bissikrima, dont  la perspicacité  est proverbiale, vient de se faire  secouer, presque essorer par des internautes, au motif qu'il aurait fait une comptabilité trop  politique des grandes réalisations de la Première République. Notre Einstein  national se serait-il trompé?

Il faut rendre à César ce qui appartient à César et à M. Cissé ce qui appartient à Sékou (si vous croyez en la réincarnation des Boudhistes): il a raison, le RSR a vraiment fait construire plusieurs dizaines  d'unités industrielles. Mais où sont-elles  donc passées, qu'en reste-t-il?

That is the question comme  diraient les sujets de sa très Gracieuse Majesté.

-Démontées? Peut-être, mais pas toutes.

-Evaporées? Tout le monde sait que si le fer se rouille, il ne se dissout pas dans l'air.

-Noyées? Peu probable, l'usine de jus de fruit de Kankan ne peut pas tenir dans le lit du fleuve à côté. L'huilerie de Dabola qui a  produit tellement peu d'huile qu'elle n'a jamais étouffé personne, ne peut pas disparaitre dans le Tinkisso...

La tannerie militaire était censée résoudre une fois pour toutes le problème de chaussures (en attendant le bateau...) dans notre pays, afin qu'il n'y ait plus de va-nu-pieds dans notre belle patrie. Evidemment, avec ces  éleveurs peulhs qui refusaient de donner leurs vaches estimées révolutionnairement au plus à 1,2 m2 de surface de peau utile, payées en monnaie "syli" ou de singe...

 Rappelons que le chemin de fer Conakry-Niger et ses locomotives  étaient  un legs de la colonisation, pas une réalisation du PDG. .

Mais d'abord entendons-nous bien sur la définition d'une unité" industrielle".

Relative à l'industrie, l'ensemble des activités économiques, exercées et organisées sur une grande échelle.

Ce qui élimine d'office les petits garages, les ateliers de bois et autres forges de village. Sinon la Guinée serait industrialisée depuis Soumangourou Kanté, le roi forgeron du Moyen-âge.

Le problème qui s'est toujours posé pour nos fameuses unités, c'est qu'après leurs inaugurations en grandes pompes avec des discours fleuves du RSR (avec le soir même au Palais du Peuple la énième re-projection du film de propagande du PDG avec les éternelles vociférations du RSR) et ceux dithyrambiques des militants prenant leurs revanches sur "l'impérialisme et ses valets guinéens vaincus", venait la période de l'organisation et de la production.

Un exemple, l'usine de thé de Macenta, sur la route de l'Ecole Normale. Elle fut achetée ou plus certainement "offerte" par nos amis communistes chinois, avec du matériel chinois, des plants de thé chinois, des travailleurs..chinois, des ingénieurs..chinois et des ...vaches Ndama venues du Fouta, dressées à brouter entre les rangées de plants de thé. Une technique économique de nettoyage, écologique avant l'heure.

A part l'eau, presque tout fut importé de Chine.

Tout alla très bien donc, la qualité des deux thés produits (noir et vert) excellente et très demandée, en particulier par nos frères arabes. Jusqu'au jour où nos camarades chinois décidèrent de laisser les vaillants et quelque peu bruyants guinéens continuer la gestion de leur usine.

Un bon militant très au courant de la philosophie du PDG mais très peu des notions techniques (c'est connu, l'enthousiasme révolutionnaire remplaçait   souvent les connaissances techniques en ces temps héroïques) très proche de la "Famille" que vous connaissez fut démocratiquement choisi comme directeur. Il commença par égorger les vaches et embaucha quelques parents pour le même boulot.

L'ennui, c'est que les problèmes commencèrent quand le stock pour faire les boites, laissé par les  bons amis   chinois s'épuisa. On fit appel  alors à l'imprimerie nationale Patrice Lumumba, plus spécialisée dans la production des "Tomes" du RSR que du papier d'emballage.

Quant à la briquetterie de Cobayah, ses incessants arrêts et redémarrages finirent par avoir raison de sa machinerie peut adaptée à un climat tropical. Elle permit cependant à beaucoup de caciques du PDG de s'enrichir dans l'immobilier. Une affaire de famille que les guinéens connaissent bien.

Arrêtons-nous-en là. Vous avez compris. Inutile de revenir sur les pièces mécaniques qu'il fallait bien un jour remplacer et qui cassaient un peu trop vite. 

A quelques variantes près, toutes nos unités industrielles obtenues principalement grâce aux rivalités de la "guerre froide" tombèrent en panne les unes après les autres, souvent dans les mois suivant leur inauguration.

L'Usine textile de Sanoyah en est un autre mauvais exemple. Celle-là fut construite par les Anglais, dont la technicité en ce domaine est indiscutable. Elle fut victime comme les autres après le  départ des techniciens anglais de sa mauvaise situation géographique (combien de champs de coton autour de Conakry?),  de sa direction par la "Famille" et du manque de motivation d'un personnel sous-qualifié et pléthorique.

Les "jeans" fabriqués par la suite se firent une fameuse réputation: prenez une taille trois fois au-dessus de la vôtre, sinon le rétrécissement après-lavage vous obligeait à le léguer à votre petit-fils.

Les ouvriers payés des peccadilles trouvèrent  en outre le moyen de ne pas être dérangés: toutes les ampoules d'alarme furent enlevées. Plus d'alarme, plus de problèmes. Par conséquent plus d'usine du tout au  bout d'un moment.

N'ont très partiellement échappé au désastre industriel du pays que deux usines, Fria (datant de la période coloniale) et Kamsar, pour les simples et bonnes raisons que la matière première se trouve abondamment sur place  et que le PDG n'a pas touché aux structures techniques de ces unités en remplaçant les techniciens par des militants. Nulle bonté en cela, mais du simple réalisme mercantile: ce furent les vaches à lait de la Révolution, si vous voulez les pompes à "Dollar impérialiste" si apprécié de tous les régimes communistes ,communisants ou staliniens de par le monde de l'époque.Et même maintenant...

L'oubli de M. Cissé

Monsieur Cissé a donc raison. Sauf qu'il a oublié la seule vraie  usine "nationale" qui n'était jamais en manque de matière première (les anti-guinéens qui se dénonçaient librement sur les ondes de la Voix de la révolution) de techniciens (Nfa Siaka et ses escadrons de la Garde républicaine) et d'énergie électrique, pour les salles de torture où était dite la vérité du ministre. Ce fut Boiro.

L'usine de Camayenne-Camp Boiro n'a jamais manqué d'électricité ou d'eau, ou de "courant" comme le surent, hélas à leurs dépens, les invités nocturnes  de la Cabine technique de Siaka Touré, le neveu de Sékou.

Mais pour une fois, c'est Conté et Konaté nos deux généraux-Présidents qui ont décidé de ne pas laisser passer à la postérité la remarquable réalisation dite Camp Boiro, centre de vacances révolutionnaires du PDG. Nous attendons donc bien entendu les protestations indignées de monsieur Cissé.

Nous sommes prêts à marcher avec lui pour l'exiger!

Voir Venise et mourir, ce n'est pas comme voir Camp Boiro et trépasser …révolutionnairement, par la diète noire, une balle de fusil ou finir sur le pont  Fidel Castro Ruz. L'industrie de la mort, le PDG en connaissait un rayon.

Vous comprenez, et surtout nous comprenons les raisons de ce surprenant oubli de la part de Cissé de Bissikrima. ( Bis! Kö dhö ki rima, en poular).

Acceptons que M. Cissé ait donc malencontreusement sauté cet aspect du développement à la Sékou Touré, celui qui a produit d'excellents étudiants révolutionnaires que nous pleurons unanimement aujourd'hui comme Emile Cissé, Ismaël Touré, Damantang Camara et d'autres encore bien vivants parmi nous (et  qui eux se moquent éperdument de toutes nos "petites" pertes en vies humaines).

Nous sommes restés sur les réalisations industrielles. Nous aurions pu vous entretenir d'autres prouesses du PDG, des routes et autres hôpitaux modernes que tout le monde nous envie aujourd'hui.

Nous vous l'avons dit au départ, à part ces quelques petites imperfections, monsieur de Bissikrima est d'une honnêteté rare.

Nous guinéens sommes connus pour être extrêmement perspicaces: nous venons d'élire à la magistrature suprême celui qui nous avait promis de "reprendre la  Guinée où Sékou l'avait laissée". Bonne chance à nous.

Thierno A DIALLO

Publié dans : Satire  Mercredi 5 janvier 2011

Tag(s) : #Libre opinion
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