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Tonton au Congo-2f

Dans son discours à la nation du 2 Octobre 2011, Alpha Condé renoue avec la rengaine chère aux  dirigeants guinéens sur le scandale géologique, agricole et pastoral que serait le pays.

Dans la tradition de ce dogme qui a été servi à des générations par des régimes incapables de les nourrir, il suffira  d’investissements directs pour l’avènement du paradis guinéen. Comme croire au paradis c’est aussi croire à l’enfer, le corollaire de cette croyance cultivée comme une seconde religion en Guinée, est  que le temps du salut est retardé par des citoyens, inspirés par Satan, qu’il faut démasquer et abattre.  Autrefois ils s’appelaient apatrides, vendus et agents de l’impérialisme et de la « cinquième colonne », voire Sheytane. Aujourd’hui ce sont des saboteurs, des ethnos aigris, des diaspos etc.

Même si l’on accordait à Alpha Condé le bénéfice du doute, force est d’admettre que -les mêmes choses produisant les mêmes effets -le président, pour s’être  enfermé dans cette logique de  fuite en avant vers un futur détaché du passé dont on fait mention de façon laconique, s’est  condamné à l'échec.  A cela plusieurs vraies raisons, les unes personnelles et les autres historiques.

Il y a deux sortes de politiciens. Ceux qui savent être cruels pour avoir le pouvoir et ceux qui savent être cruels pour le garder. Alpha appartient aux deux catégories. En 10 mois, Alpha Condé a montré une prédilection pour la politique de  la crasse. Ce président mal élu n’aura pas su changer son essai contesté en un score de grandeur. L’homme, pour n’avoir pas  engagé la bataille essentielle de la confiance, s’est condamné pour les 4 ou 9 ans à venir,  à gérer les dégâts hérités et par lui créés.  A la place du dialogue, il  y aura le complot épisodique. A la place de la diplomatie il y aura la confrontation verbale avec des fulminations de caudillos de villages et les batailles de coq où les plumés seront encore les citoyens guinéens.  Pour dialogue social il fait planer l’épée de Damoclès des rumeurs, allant de la surveillance des conversations téléphoniques à psychose de la délation et de l’autocensure.  La concertation avec la classe politique consiste à les infiltrer et à publier, sans commentaires et toute honte bue, des extraits choisis de leurs réunions.  Les manifestants sont tués et ceux qui survivent sont arrêtés et jugés dans des procès kafkaïens. La réconciliation  est une opportunité de manœuvres pour brouiller les alliances; une occasion pour créer des tensions entre les habitants d’une même région  qui ont cohabité des siècles. Des manden-foulah sont encouragés par le régime à revendiquer des terres « ancestrales » au Foutah. Les schismes existants ne sont pas suffisants pour maintenir un pouvoir déjà moribond. Il faut en plus encourager des dissensions religieuses : entre «tidianiyas», «wahabiya» et autres dénominations confessionnelles. Tout semble avoir prématurément vieilli dans ce régime. Dans les senteurs nauséabondes de has-been, minuit a sonné le glas d’une grâce plus tôt qu’à l’accoutumée. La rapidité avec laquelle Alpha Condé a jeté le masque pour faire du « changement » un  voyage vers un passé abhorré et aberrant soulève des questions troublantes sur l’homme.  

La seconde raison de l’échec  programmé de ce président tient à un entrelacs de faits plus complexe. Un pays ce n'est pas seulement la bauxite, les collines bucoliques, les mangroves, les rivières, les chutes d’eau etc.  Ce ne sont pas aussi les routes, les barrages électriques, les buildings et l’eau courante. Ces infrastructures ne sont que la traduction en réel d’une superstructure complexe (pour parler à la manière des marxisants d’autrefois). Un pays ce sont d’abord des  pactes sociaux, des protocoles de tolérances mutuelles, des appartenances multiples, hiérarchisées et librement acceptées etc. le tout dans le cadre des lois  et des traditions qui elles mêmes s’inspirent des légitimités consacrés.   Dans la  Guinée des postindépendances, ces ingrédients essentiels qu'on peut appeler facteurs invisibles et abstraits de la cohésion sociale et  du progrès collectif font cruellement défaut au niveau de l’état. Tout ce passe comme si le pays a été sous occupation par des prédateurs étrangers. Même les colons européens avaient su utiliser à leur profit ces facteurs invisibles sans lesquels leur domination aurait été impossible à asseoir.  Le mépris des codes de bienséance par les « colons noirs » qui les ont succédés dans notre pays, n’en est que plus étonnant. Leurs comportements ne peuvent même pas être rapprochés à ceux des colons français dont certains se sentaient mus par un sens de grandeur de leur patrie « civilisatrice ». Il faut remonter peut-être aux négriers pour trouver des comportements similaires aux leurs de par la prédilection pour l’immédiat et la cruauté gratuite.  D’où ils puisent leur aveuglement suicidaire est un mystère qu’il faudra éclaircir. Pour le moment nous en sommes  à nous caresser le menton et à nous poser des questions : s’agit-il de méconnaissance de nos cultures et de celle des européens ? D’un simple mépris de soi ? Où ont-ils relégués les valeurs prudentielles du passé? Les vertus de la conciliation ? Les potentialités de l’union des citoyens ? Le respect des femmes, des religions  et des croyances ? Pourquoi tuent-ils l’espoir? Pour combien de temps encore vont durer leurs cultes macabres sur la cendre de leurs  ruines, les décombres de leur développement mimétique, leurs complexes d’hommes qui se vantent de leur inculture, de bourreaux des causes nobles, de tortionnaires de l’avenir, d’assassins de la décence ? Notre avenir est-il dans le reflet que projette cette accablante réalité où chantent les tueurs, où ricanent les conspirateurs de l'ethnocentrisme et où scintille l’arrogance des prédateurs, des flics des règlements de compte et des saboteurs des solidarités humaines ?

Mr. Condé peut invoquer à souhait les richesses naturelles de la Guinée ; il peut réviser les codes miniers et les contrats à la lettre ;  rien de bon ne se fera dans le marécage de l’impunité où il a décidé de patauger sans honte et sans gêne et pour des raisons de lui seul connues.

Des pays sans ressources naturelles ont montré comment les facteurs invisibles peuvent soutenir des changements positifs radicaux. Singapour qui fut indépendant bien après la Guinée est peut-être trop loin pour nous inspirer sur l’effet multiplicateur de l’application rigoureuse de la loi dans l’impulsion d’un essor économique. Des sceptiques ont même avancé que Singapour est une nation peuplée d’industrieux chinois et que son exemple ne peut-être répliqué en Guinée. Disons rapidement qu’une telle opinion procède d’une intériorisation de racisme et d’une maladive négation de soi. Pour ces afro-pessimistes et ces défaitistes dans l’âme de chez-nous, citons l’exemple d’un petit pays, à l’autre bout du continent Africain, dont on peut se servir : le Rwanda. Il y  a 17 ans, ce pays connut une des plus grandes tragédies  de l’Afrique moderne. Aujourd’hui, grâce au culte de la compétence et de la loi, le pays qui faillit disparaitre sous le boutoir d’un tribalisme sanguinaire est devenu l’exemple de la croissance et de la construction d’une nation. Kagamé a dit que si le Rwanda peut s’en est sortir, aucune nation n’a d’excuse. Une sobre note d’espérance en ce jour de triste anniversaire...

Ourouro Bah

 

Tag(s) : #Libre opinion
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