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Alpha-Conde-Kim-Il-Sung--Guineelibre.jpgL’ONU a publié lundi un rapport accablant sur les droits de l’Homme en Corée du Nord. Amnesty International diffuse également quatre témoignages parmi ceux utilisés par les inspecteurs des Nations unies.

En publiant leur premier rapport lundi 17 février, les enquêteurs de la commission de l’ONU sur la Corée du Nord ont souhaité faire la lumière sur «un coin très sombre du monde». S’ils n’ont pas pu se rendre sur place, en raison du refus des autorités nord-coréennes, ils ont néanmoins recueilli les témoignages directs de plus de 80 témoins lors d’audiences publiques à Séoul, Tokyo, Londres et Washington. La commission a aussi mené plus de 240 entretiens confidentiels avec des victimes et témoins des atrocités commises par Pyongyang. Leur conclusion est sans équivoque : «La commission a établi que des violations systématiques, étendues et grossières des droits de l’Homme ont été et sont commises par la République populaire démocratique de Corée, et dans de nombreux cas, ces violations constituent des crimes contre l’humanité».

Amnesty International a publié dans le même temps le témoignage de quatre témoins qui ont fui la Corée du Nord. Ancien gardien de camp, prisonnier, ou simple citoyen, ils racontent l’horreur qu’ils ont vécue pendant des années. Leurs témoignages ont été utilisés par la commission d’enquête de l’ONU pour établir son rapport.

«Ma famille a été forcée de venir dans le camp avec moi»

«Il n’y a pas de mot pour décrire ce lieu, se souvient Kim Jong-sun, qui a passé neuf ans dans le camp de Yodok, où elle a perdu toute sa famille. Vous travaillez du lever du soleil jusqu’à la fin du jour. On se levait à 3h30 du matin pour aller travailler jusqu’à la tombée de la nuit.» Accusée d’avoir révélé une liaison que son amie entretenait avec Kim Jong-il, le chef suprême de la République démocratique de Corée entre 1994 et 2011, Jong-sun a été emprisonnée avec toute sa famille. «J’étais coupable, mais ma famille a été forcée de venir dans le camp avec moi, sans connaître les charges retenues contre elle, ajoute-t-elle. Mon père et ma mère, qui avaient 70 ans, ma fille de neuf ans et mes trois fils de sept, quatre et un an ont été emprisonnés. Quand mes parents sont morts de faim, je n’avais pas de cercueil pour eux, j’ai alors enveloppé leur corps dans de la paille, avant de les enterrer moi-même. J’ai dû faire la même chose avec mes enfants.»

 «J'ai connu deux méthodes d'exécution»

Amnesty International a aussi pu rencontrer un ancien gardien de prison, qui fait part sous le sceau de l'anonymat des violences perpétrées à l’encontre des prisonniers. «J’ai connu deux méthodes d’exécution. L’une d’entre elles consistait à demander au prisonnier de creuser sa propre tombe. Après cela, on le frappait à mort avec un marteau. D’autres fois, on demandait au prisonnier de s’asseoir sur une chaise. Derrière, deux personnes tenaient une corde en caoutchouc d’un mètre de long. Quand ils frappaient le prisonnier avec, la corde s’enroulait autour de son cou. Ils n’avaient plus qu’à tirer pour le tuer.»

«Les gens avaient si faim qu’ils pouvaient manger n’importe quoi»

Kim Ju-il a lui-même assisté à une exécution, lorsque son demi-frère a été fusillé sous ses yeux. «La première balle a frappé la tête et il y a eu une éclaboussure de morceaux de cerveau et de sang. La foule a hurlé, c’était épouvantable, poursuit-il. Instinctivement, vous fermez les yeux et tournez la tête aux coups de feu suivant. Quand les tirs prennent fin, vous regardez à nouveau et voyez ce corps, affalé par terre. Vous ne pouvez pas dormir après avoir vu ça, ces images cauchemardesques vous hantent.» Parfois, les gardiens de prison n’avaient pas besoin de donner la mort, le manque de nourriture s’en chargeait pour eux. «La famine est un fléau, confie Ju-il. J’ai vu des corps entassés, des gens morts de faim. Au troisième stade de la malnutrition, se nourrir ne sert plus à rien. Le corps gonfle terriblement, se met à suinter.»

«Les femmes enceintes étaient envoyées vers les camps de travail»

Le témoignage se poursuit avec les confessions de Pak Ji-hyun. Cette femme a été vendue à un paysan chinois puis enfermée dans un camp de travail pour avoir tenté de fuir. «Quand je suis arrivé au camp de Onsong, les femmes devaient faire une prise de sang pour s’assurer qu’elles n’étaient pas enceintes ou qu’elles n’avaient pas de maladie sexuellement transmissible, déclare-t-elle. Parfois, les femmes enceintes étaient envoyées vers les camps de travail pour monter et descendre de lourdes charges le long des collines, ce qui provoquait le plus souvent des fausses-couches.» Elle aussi témoigne du manque de nourriture qui frappe la Corée du Nord. «Les gens avaient si faim qu’ils pouvaient manger n’importe quoi, de la pâtée pour chien jusqu’aux grains pour le bétail. J’ai entendu dire que des gens mangeaient des haricots ou des grains de maïs qu’ils retrouvaient dans des excréments d’animaux», continue-t-elle.

Tous exhortent la communauté internationale à réagir devant l’ampleur de la tragédie qui se trame au nord du 38e parallèle. «Les choses doivent changer, il faut qu’il y ait une prise de conscience des droits de l’Homme en Corée du Nord. Beaucoup de gens espèrent une réforme et l’ouverture du pays», ajoute Pak Ji-hyun. «La communauté internationale doit savoir ce qu’il se passe en Corée du Nord. Une fois la réalité connue, on pourra améliorer les choses», espère Kim Ju-il.

Human Rights Watch a publié lundi une vidéo similaire, reprenant plusieurs témoignages de survivants des camps et revenant sur une partie de l’histoire de la Corée du Nord. (Il est possible d’activer les sous-titres, en visionnant la vidéo sur YouTube, grâce à l’icône située en bas à droite du lecteur).

Thomas LIABOT

Source : http://www.liberation.fr/monde/2014/02/18/les-temoignages-glacants-qui-accusent-la-coree-du-nord_981074

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