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Le médiateur.  C’est l’occasion de remercier son Excellence Monsieur Blaise COMPAORÉ  et lui demander de se dessaisir du dossier de la Guinée. Ce dossier épineux  demande une attention soutenue qui est incompatible avec les fonctions de président d’une république. Les burkinabés l’ont « élu » pour qu’il fasse leur boulot et non celui des guinéens. Je ne cède pas à l’idée en vogue de critiquer son action.  Ayant survécu à la  propagande du PDG je me suis immunisé du virus d’accuser l’étranger des maux de la Guinée.  Le problème de notre pays est une fabrication locale. Plus les guinéens se disent patriotes plus ils sont nocifs à leur pays. J’ai révisé le bréviaire du patriotisme et j’ai renoncé  à la dignité nationale guinéenne car elle n’aura été qu’un épais justificatif d’incurie et les crimes.    

Une dynastie de grabataires: On est quand même obligé de reconnaitre du talent à Compaoré. Pour faire avaler la pilule, il  avait laissé flotter  l’idée d’un retour de Dadis. La  psychose se répandit jusqu’au département d’état. Les Yankees furent obligés de demander une prolongation de « convalescence » pour Daddis. Quand, dans le tard de la nuit, on le montra, nul ne prit le temps de voir qu’il n’était qu’un épouvantails qui fut utilisé comme moyen de chantage subtil pour faire accepter aux opposants civils la solution Konaté. Le petit officier grabataire qui nous apparut au détour d’une photo est une légume, avec des membres raides. (Les cyniques remarquèrent  qu’il aurait été atteint d’incontinence avec l’ombre suspect de la photo de son entre-jambe). Konaté avait raison qui avait dit que l’on ne peut rien tirer de Daddis. Mais comme il est difficile de prendre au sérieux les marmonnements d’un officier presque inculte, la  photo, plus parlante que les bégaiements, est venue rétablir la vérité  pour  la postérité ; Daddis suit la tradition inaugurée par Conté de présidents grabataires qui n’en finissent pas de mourir dans le mouroir qu’est devenue la patrie.

L’habit fera toujours le moine et l’officier : La pitié est une sale maladie abondante dans cette  nation d’insécurité sociale et de vulnérabilité politique.  A la vue de la photo de Daddis, certains esprits (dont je ne suis pas) eurent pitié.  Compaoré a-t-il fait exprès de ravaler Daddis à ce niveau ?  Sinon comment expliquer la différence d’habillement ? C’est à croire qu’ils  n’ont pas, dans tout Ouaga, un tailleur pour raccourcir un costume pour Daddis ou un soldat pour lui prêter un de ces treillis dont il raffolait tant. Même si on avait demandé à Tiegboro, Pivi ou Moussa Keita d’en apporter un à leur acolyte, ils se seraient fait un plaisir. Mais la cause était entendue. Il fallait (pour la postérité encore) ravaler Daddis à ce qu’il était.  Compaoré portait un beau costume. Konaté avait revêtu son apparat de guerre favori.  Daddis apparut comme un domestique de service avec un bras raide et un blouson froissé. Sa mine  était ce qu’il y avait de plus pathétique ; un air absent qui scrutait les horizons des crimes commis (sans les verres fumés) ou le flou des jours de coma  à venir. 

Le cynisme est toujours ce qu’il est : La compassion est irrépressible en nous. Elle fonde le tragique de la communauté de destin des  humains, condamnés par l’entropie du temps à nous ravaler à notre plus petite expression. Avoir conscience de cela et comprendre que le reste n’est que mise en scène, est une marque qui distingue les hommes de principes des tricheurs. Ainsi donc va la  vie ! Il y a des fois une justice ! Voici comment va finir un arrogant qui joua ave les feux de l’histoire. Un criminel inconscient de son rôle et de la place qu’il a failli occuper dans l’histoire de la nation qui l’enfanta. Des soubresauts hasardeux avaient fait atterrir entre ses mains impréparées la  destinée du pays. Il  en sort  marqué  du sceaux de  l’infamie, devant Dieu, devant l’histoire et j’espère devant le TPI de crimes imprescriptibles contre son peuple orphelin qui l’avait accueilli (même si avec suspicion) comme un libérateur.  Cyniquement et en secret, je souhaitais la même chose à  tous ceux qui, sur le piédestal de service au peuple, érigent le bucher de leur propre malédiction. Une forme de nostalgie particulière  me fait souhaiter que Sékou et Conté aient connu le même sort que Daddis. Rancune, fou rêve ou simple morbide nostalgie qui veut que les choses aient été différentes sur la  trajectoire complexe de ce foutu pays?  

Qui fut-il? Avant d’être le criminel qu’il est, Dadis  fut avant tout un enfant de la nation. Il grandit dans l’école au rabais du PDG où l’obscurantisme et le nivellement par le bas  furent de règle. Quels instincts de survie amenèrent un  diplômé d’université à s’enrôler comme caporal dans l’armée ? Quelles combines, dans la mafia militaro-fasciste de Conté, présidèrent à son ascension ? A son influence et à ses copinages? A  l’école de la roublardise politique où les applaudisseurs de service et les comités de soutien le convainquirent qu’il pouvait échapper aux sortilèges du pouvoir usurpé?  Ce destin ne devrait-il pas nous amener à regarder en face des tares évidentes de notre société ?  Ce mépris ambiant de la culture et cette prédilection pour le larbinisme. Ce refus têtu d’investir  dans l’éducation pour tendre la   perche du savoir sauveteur à tous les enfants ; cette tendance suicidaire de faire de l’armée le dépotoir des moins incompétents.  Les rangs des militaires, des gendarmes, de la police, de tout le corps d’état, sont des cavernes d’inculture et d’insécurité  économique qui attisent des instincts barbares qui troublent le monde entier quand ils s’étalent au grand jour. Daddis n’était qu’un de cette génération sacrifiée et de cette engeance d’exclus et de frustrés. Il est vain de chercher à se prémunir d’eux. Comment les sauver d’eux-mêmes ? Les rééduquer ? les juger ? les purger ?  Terrifiantes et inexorables questions.

 Justice ou Réconciliation avec nous-mêmes? Une des clauses du préambule de la résolution de Ouaga prétend  « favoriser la réconciliation des Guinéens avec eux-mêmes ».  Qu’est-ce à dire ?  Jusque là les politiciens et les activistes parlaient de réconciliation nationale. Les sceptiques  soutenaient que le concept de réconciliation est un piège à cons  dont on n’a pas besoin. On a besoin de justice et si la réconciliation s’en suit, ce n’est qu’un bonus.  Chacun lira les résolutions comme bon lui semble et retiendra celle qui l’arrange. Mais  avant de se pourlécher de réconciliation avec nous-mêmes, c’est ici une autre occasion de nous pencher sérieusement sur le problème de la justice.  Est-ce que les clauses suivantes constituent des fondements pour la justice ?

« 1. Le respect des libertés publiques, y compris de la liberté de presse et d’opinion ;

   2. La garantie de la sécurité des personnes et des biens ;

   3. La réorganisation et la réforme des Forces de Défense et de Sécurité ;

   4. La création d’un Conseil National de Transition (CNT), organe politique délibérant, dirigé par une personnalité religieuse et composé de 101 membres représentant toutes les composantes de la société guinéenne ; »

Peut-être. Le scepticisme est permis ici du fait que, au soir de chaque période de massacre, la Guinée a appris à se vautrer dans un climax d’expiation. Elle renouvelle sa litanie de fausse fraternité et promet de se donner une nouvelle chance. À chaque fois cela foire. Il doit y avoir des raisons. Parmi elles, le désir d’oublier à tout prix. Les résolutions de Ouga participent à cet  oubli malsain et chronique.  Il ne faut cependant pas se leurrer :

Si les tortionnaires du PDG meurent en silence, les enfants des victimes du « complot permanent »  attendent.

Si les auteurs des crimes du CMRN/PUP restent silencieux et noient leur poison dans la tourbe de l’ethno-stratégie,  les enfants des victimes du « Wofatara », de Kaporo-Rail, des massacres de 2006 et de 2007 etc. attendent.

Les familles des victimes du 28 septembre 2009 attendent ; même si les cadres frileux sont emportés dans les salons du suspense sur  « La nomination d’un Premier Ministre, Président du Conseil des ministres, issu du Forum des Forces Vives de Guinée ; La formation d’un Gouvernement d’Union Nationale ; » et scrutent le processus de : « 7. La révision des listes électorales    8. L’organisation, dans un délai de 6 mois, de l’élection présidentielle à laquelle ne participeront pas les membres du Conseil National de Transition, le Chef de l’État de Transition, les membres du CNDD, le Premier Ministre, les membres du Gouvernement d’Union Nationale et les membres des Forces de Défense et de Sécurité en activité ;  9. Le recours à des observateurs civils et militaires de la CEDEAO ; »  

Elles  attendent en silence, sceptiques, espérant que la nation ne les oubliera pas comme elle en a pris l’habitude.  Si le refus dans cet accord de mentionner les victimes, les coupables et les châtiments qui les attendent est un oubli tactique, il convient de mentionner que l’accord est caduque d’avance ; un marché de dupes  malencontreux. Non seulement parce que les mêmes Pivi, Tiegboro et Toumba accusés de crimes se baladent encore dans la ville, armes en mains ; non seulement parce que les reliques du PDG continuent à salir l’histoire avec leur hagiographie mensongère ; non seulement parce que les salopards du PUP vendent leurs services au CNDD pour éviter la justice indispensable ; mais parce que nous sommes entrain encore une fois de refuser d’ériger  le socle  de justice minimale et de confiance mutuelle qui pourrait supporter  et guider la charpente de la réconciliation avec nous-mêmes, et le toit du pardon qui nous abriterait dans le futur.  On devrait être suffisamment avertis, avec  51 ans  de pratique, des lendemains sanglants qui suivent les nuits d’enthousiasme juvénile, de fuite en avant et des arrangements de politiciens travaillés au corps par des diplomates de carrière.

Oraison funèbres des Forces Vives. Pour concocter la  nouvelle feuille de route du  15 Janvier  2010, Compaoré a cru que  3 officiers c’était suffisant. Lui, un ancien putschiste devenu presque président à vie, un ancien putschiste mentalement instable et devenu hémiplégique  et enfin un mastodonte de para connu pour  dont le peu qu’on connait n’inspire guère confiance et qui est  passe de changer le cours de l’histoire ou d’en être une victime supplémentaire.  Dans son infinie sagesse, Compaoré n’a pas daigné inviter les Forces Vives. La politesse seulement n’explique pas que celles-ci ne soient pas offusquées de cet oubli si on sait qu’elles sont promptes à s’étriper entre elles.   Compaoré  a juste compris que les Forces Vives depuis longtemps sont entrain de célébrer leurs funérailles. Il a préféré les laisser dans les conciliabules de formation d’un gouvernement mort-né, sans mission et sans assurance. Elles gardent encore un silence coupable. Elles auront été incapables du minimum d’audace qui distingue le politicien de quartier du leader :

d’avoir pu constater le vide du pouvoir et d’anticiper sur les événements en créant un gouvernement d’union national  (même en exil)

de protester contre ces accords survenus en leur absence  (même à titre symbolique)

de  donner leur lecture et leur compréhension des accords;  

 Leur devoir était d’émettre des  contre-propositions ou des suggestions qui garantiraient au moins la      mise    en œuvre. D’où vient tant d’aveuglement, de fascination et d’engluement pour le pouvoir ?

Théorie de psychanalyse politique : Seule une psychanalyse sociale pourrait le dire. La liste impressive des candidats montre que des personnes qui jurent de ne rien vouloir d’autre qu’une Guinée où il fait bon vivre, convoitent en sourdine les postes rêvés de premier ministre ou de ministres même si rien ne les y prépare. La pléthore des candidats qui  est un pendant de la pléthore de partis politiques est symptomatique d’une société où la médiocrité ayant été la règle, chacun finit par se convaincre d’être présidentiable.  Qui ne peut à priori faire mieux que Sékou, Conté ou Daddis ? L’avènement des chefs  dans cette nation a été décidé de tout temps par les hasards les plus déroutants. Il n’y a aucun critère moral, professionnel ou de qualification qui ait jamais été appliqué pour l’accession aux responsabilités publiques. Il n’y a jamais eu ce  filtrage salutaire, ces tests de personnalité, des enquêtes de moralité pour demander qui est qui dans la « mamaya » de l’état qui fonctionne comme un bateau rempli de soulards dans une haute mer houleuse ; où chacun tire à hue et à dia dans une direction opposée pour créer un immobilisme où le seul changement n’est que l’effet de  l’érosion naturelle des choses.

Colmater le vide avec des leçons mal apprises : Nous voici encore à un autre carrefour. Nous voulons tourner la page avec un premier  ministre. Si nous voulons le faire en prétendant que c’est une solution novatrice comme si l’an 2007 c’était le siècle dernier, prenons au  moins des précautions d’hygiène mentale collective. D’abord admettons que nous nageons dans la confusion  d’un pays sans état.  Nous savons  formuler nos peines mais on a du mal à mettre les priorités là où il faut. Que cela nous rend vulnérables aux pièges tendus par les experts de la diplomatie et les spécialistes des résolutions de conflit. Que nous devrions cesser de prétendre vivre dans une société normale et admettre que la maladie grave dont nous souffrons nécessite des médications douces. L’étiologie de nos maux multiples demande  une approche pragmatique : nous parlons la même langue mais nous ne nous entendons pas. Écouter nous est difficile car rien ne nous inspire. Nous n’avons pas de leaders qui nous aideraient à formuler un début de solution. Nous avons l’impatience d’affamé qui fait  que l’effort nous est devenu insupportable. Ayant perdu la foi, la patience créatrice ressemble à la résignation meurtrière qui nous amené dans le gouffre.  L’avenir nous fait tant peur que nous préférons nous retourner vers  le cocon fallacieusement rassurant de l’ethnie, de l’attroupement grégaire, des fausses certitudes d’une fausse fraternité nationale même si depuis l’aube de cette nation on ne fait que nous étriper.  Il faut accepter   courageusement le  vide ainsi créé par l’histoire et résister à l’empressement de le colmater à tout prix sous le prétexte que la nature en a horreur.

Ourouro Bah

Tag(s) : #Libre opinion
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