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Fode-Soumah-2012-11-10_084152-1.jpgFodé Mohamed Soumah a endossé sa robe d’opposant inconsolable et féroce contre le régime laxiste d’Alpha Condé. Cet ancien candidat à la dernière présidentielle guinéenne n’a pas joué dans la langue de bois. Très amer, le président Soumah a décrié la gestion gabégique et désastreuse de Condé qui selon ses propres mots mène son pays vers le gouffre. Il appelle le peuple à la mobilisation pour sauver la Guinée. Entretien avec Ledakarois.net…

 

Bonjour Monsieur le Président Soumah. Merci d’accepter cet entretien téléphonique. 1ère question : Comment se porte la GéCi et son Président ?

Monsieur Soumah : C’est un plaisir de renouer avec le Sénégal depuis mon départ de Dakar où j’ai passé les fêtes de fin d’année. Comme vous le savez, ce pays est ma seconde patrie vu que j’ai grandi à la cité BIAO au Point E dans notre concession familiale et que certains membres de ma famille reposent en paix à Yoff, à commencer par ma mère, mon grand frère, ma petite sœur et de nombreux parents. Je dirais que la GéCi se porte de mieux en mieux depuis sa défaite à l’élection présidentielle. Elle jouit d’une bonne image auprès de la jeunesse et de l’intelligentsia guinéenne. Elle se densifie au fil de l’eau et accentue son implantation à travers une politique de massification sur toute l’étendue du territoire et à l’étranger. D’ailleurs, nous avons une fédération très dynamique au Sénégal. Enfin, en ma qualité de Président du parti, je me bats aux côtés des autres leaders de l’opposition ; ma mission étant de faire représenter le parti sur les bancs de la future assemblée nationale. En somme, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

Monsieur Soumah, en tant que président de la GECI et membre de l’Opposition Guinéenne, quelle est la situation politique dans votre pays ?

Vaste question à laquelle je rajouterais sociopolitique parce que les deux vont de paire en Guinée, et plus largement sur le continent africain. La situation est tendue malgré la lecture qu’en donne les médias d’Etat à l’étranger. Je dis bien en dehors du pays car nos populations ne sont pas dupes. A force de dire qu’elles sont à majorité analphabètes, on les assimile facilement au mot « bête ». La situation est dramatique au point que l’incertitude gagne de plus en plus du terrain. On ne sait plus où va la Guinée. Elle est inquiétante à cause de la paupérisation généralisée qui risque de faire disparaitre ce qu’on appelle la classe moyenne, sans compter l’insécurité ressentie par les citoyens et celle qui entoure l’environnement économique qui ne favorise pas les investissements, surtout en ce qui concerne notre diaspora que j’estime être le 1er investisseur potentiel du pays. Elle est désastreuse d’un point de vue économique car les perspectives d’avenir sont plombées par un gouvernement pléthorique qui navigue à vue. Le tissu social a été malmené par une campagne présidentielle qui a conduit les Guinéens à se regarder en chiens de faïence. Encore aujourd’hui, en l’absence d’une justice sociale amène, le repli identitaire risquerait de s’inviter aux Législatives prochaines, en lieu et place des programmes des partis ou des coalitions en lice. Sur le plan politique, non seulement nous avons eu 4 mois entre les 2 tours de la Présidentielle, mais les élections législatives qui devaient se tenir 6 mois après l’installation du Président de la République Alpha Condé tardent à mettre en place le nouveau parlement. Nous ne sommes même pas à mi-mandat que ce pouvoir accumule plusieurs crises à la fois, en plus de ce que je viens de relever :

 

- Crise institutionnelle qui a vu la démission des membres de l’opposition du CNT qui est le parlement provisoire ainsi qu’à la CENI qui est l’organe chargé d’organiser les élections en Guinée,

- Crise gouvernementale qui a vu la démission de 2 ministres issus des rangs de l’actuelle opposition,

- Crise morale par rapport à des tueries à l’intérieur du pays sans qu’une enquête n’ait été diligentée pour fixer les responsabilités et mettre un terme à l’impunité,

- Crise sociale avec la mort de la Sotelgui qui est la 1ère société de téléphonie du pays, sans compter l’inconnu qui entoure le devenir de la 1ère société d’alumine de la sous région Fria et le départ « forcé » de nombreux investisseurs, notamment nationaux.

Un autre danger pointe à l’horizon avec les syndicats qui réclament 200% d’augmentation des salaires alors que les autorités négocieraient aux alentours de 25%. C’est du jamais vu.

Ma crainte est de voir les populations se soulever lorsque les prix vont grimper en flèche malgré des mesures d’accompagnement illusoires, sachant que cette augmentation ne toucherait qu’une infime partie des citoyens, car le chômage bat son plein. C’est vous dire que c’est à juste titre que je tire la sonnette d’alarme, d’autant plus que le problème reste entier malgré la recomposition de la CENI et le récent remaniement gouvernemental au goût d’inachevé. Tout a été fait dans la précipitation au point de constater qu’il reste encore des ministères sans ministres désignés, ainsi qu’une violation flagrante de la loi par rapport à la parité exigée entre l’opposition et la mouvance au sein de la CENI, qui a donné 9 commissaires à l’opposition et 10 au pouvoir. Je précise en passant que c’est une fausse parité puisque le pouvoir dispose des voix de 2 membres de l’administration et semble avoir mis le grappin sur les 3 membres de la société civile ; ce qui lui donnerait d’office 16 voix sur 25 pour tout vote à la majorité simple.

 

Ce que vous racontez me parait excessif et incroyable. N’est-ce pas l’attitude d’un opposant qui critique à tout va ?

Il vous suffit d’aller à la source de l’information auprès de vos confrères journalistes sur le terrain ou de surfer sur les sites guinéens pour vous rendre compte que je ne fais que relater des faits réels. Sans vouloir refaire le monde, je m’étonne encore de voir des pays en guerre au moment de nos élections comme la Cote d’Ivoire ou des Etats comme le Sénégal, le Congo, le Niger… qui n’étaient même pas en campagne électorale eussent déjà bouclé leurs élections présidentielles et législatives. Nous risquons de trainer ce problème comme un boulet par rapport au calendrier des élections à venir puisque c’est la nouvelle assemblée qui devrait mettre en place la Cour Constitutionnelle. De plus, nous aurons les élections présidentielles dans 3 ans alors que la prochaine assemblée qui n’est pas encore élue devrait siéger pendant 5 ans. Et je ne vous parle pas des communales et des communautaires reportées aux calendes grecques, alors que des maires élus ont été remplacés par des délégations spéciales nommées par le Président de la République. En dépit de toutes les tares annoncées, le fond du problème se situe au niveau du non fonctionnement des institutions en place, de l’équilibre et de la séparation des pouvoirs. Enfin, vous faites bien de vous inquiéter de notre sort car une Guinée déstabilisée au moment où nous avons le cas malien et des soubresauts à Bissao et en Cote d’Ivoire ne présageraient rien de bon dans la sous-région. 

 

Nous avons remarqué que l’opposition s’est beaucoup mobilisée à travers des marches, des meetings et des opérations villes mortes.

Il y a eu aussi des déclarations, des contacts directs avec le pouvoir, des conférences de presse, des rencontres avec les institutions républicaines et la communauté internationale, etc. Je dirais que l’opposition a utilisé les voies légales pour manifester son désaccord face à un pouvoir arrogant, sourd et aveugle. Nous avons demandé le dialogue depuis le mois de mars 2011 mais que nenni ! Nous n’avons pas droit aux médias d’Etat afin de donner un autre son de cloche à tout ce qui se dit et se fait. Donc, puisque notre constitution nous offre des garanties dans le cadre des activités politiques, nous avons décidé d’organiser des meetings pour éclairer nos militants et sympathisants, des opérations villes mortes pour acculer le pouvoir, des manifestations pacifiques qui nous ont amenés à battre le pavé, entre autres. De mémoire de Guinéen, même à l’époque de la « révolution » qui obligeait les citoyens à se manifester, on n’a jamais vu autant de monde dans la rue lors de notre dernière sortie. Tout aurait pu arriver ce jour là. Mais j’ai comme l’impression que nos dirigeants n’ont pas encore pris la mesure de la dangerosité de la situation qui pourrait basculer d’un jour à l’autre, pour ne pas dire à tout moment.

 

Pensez-vous que les élections législatives auront lieu cette année ? Etes-vous prêt ?

 

Le pouvoir a crié sur tous les toits qu’elles auraient lieu en 2012 avant de se raviser. Il parle à présent du mois de janvier 2013 alors que beaucoup de choses restent à faire. Nous avons pris la mauvaise habitude de fixer des dates butoir avant de baliser le terrain. Maintenant que la CENI est en place il nous faut passer au 2nd point de blocage relatif au fichier électoral. L’opérateur choisi de gré à gré par le pouvoir ne nous rassurait pas. A présent il est totalement discrédité par le rapport de l’OIF qui a relevé une vingtaine de disfonctionnements des kits dudit Way-Mark. Vous pouvez être recensé à Ouakam et avoir votre bureau de vote à Kolda. De plus, n’importe quel agent de la Médina pourrait apporter des modifications dans la zone de Pikine ou de Thiès. C’est tout simplement inique et une possibilité grossière de fraude. L’opposition a exigé l’ouverture d’un appel d’offres afin de restaurer la confiance et nous permettre d’aller vers des élections apaisées, transparentes et acceptables. Nous sentons un forcing de la part du pouvoir qui n’a toujours pas pris la mesure de tout ce qui dépendrait de la bonne tenue des législatives, et il n’y a pas que le 10ème FED. J’ose espérer que nous serons entendus, ou à défaut que la loi tout comme le bon sens prédomineront. Nous pensons que l’opposition sera la prochaine majorité dans une élection transparente car elle totalise déjà plus de 70% des voix lors du 1er tour de l’élection présidentielle. En ce sens, je ne comprends toujours pas la volonté affichée du pouvoir d’inverser la tendance alors que nous sommes dans un système présidentiel fort. Le mandat du Président de la République ne peut pas être remis en cause. Mieux que ça, la dissolution lui permettrait de demander au peuple « les moyens de gouverner » en cas de blocage systématique. Mais où est le problème ? Bref, le pouvoir aurait pu profiter de la dynamique de la victoire pour plier cette affaire depuis plus d’un an et demi mais il a pêché à force de tergiverser. Aujourd’hui, la réalité du pouvoir a effrité et son électorat et l’attente du changement qui ne s’est toujours pas invité dans le quotidien du Guinéen, à ce jour.

 

Vous êtes à Paris pour longtemps ?

Non, et ce n’est pas le moment de s’éloigner du terrain.

Je compte faire des sorties médiatiques en France à travers des émissions et des rencontres avec la diaspora guinéenne avant de voyager sur les Etats-Unis où je suis également attendu.

 

Je vous remercie pour votre disponibilité

C’est moi qui vous remercie de penser à la GéCi et de vous soucier du devenir de la Guinée.

Source: leDakarois.net

http://w1p.fr/80129

Tag(s) : #Interview
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