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ONU-Casques-Bleus.jpgLes Nations unies célèbrent ce jeudi 29 mai la journée internationale des casques bleus. L’occasion de rendre hommage aux quelque 3 200 casques bleus, hommes et femmes tués en opération, 106 en 2013. Des casques bleus qui prennent des risques mais dont l’efficacité sur le terrain est souvent mise en cause, particulièrement en Afrique.

Les critiques sur les missions onusiennes en Afrique sont multiples. Parmi ces missions, il y a notamment celle au Darfour, la Minuad, dont les défaillances ont été dénoncées par l’ancienne porte-parole de cette mission, Aïcha El Basri, qui s'est confiée à RFI.

Aïcha El Basri a quitté l’ONU après huit mois comme porte-parole, « écœurée » des manœuvres pour cacher les défaillances de la Minuad. Elle dénonce plusieurs incidents dans lesquels les casques bleus ne sont pas intervenus et donne deux exemples. Ainsi en 2012 à Koutoum, lorsque des miliciens arabes, des janjawids, ont attaqué un camion de civils juste devant la base de l’ONU. Les casques bleus se sont alors contentés de prendre des photos.

Et plus récemment en 2013, 31 civils ont été kidnappés par un groupe armé alors qu’ils étaient escortés par 40 casques bleus qui ont laissé faire.

Aïcha El Basri a fourni plusieurs dizaines de documents à RFI, des rapports internes, des documents militaires. On y constate que l’ONU a cherché à minimiser en fait ces incidents, à les cacher même, et que cette mission a semblé vouloir protéger les forces gouvernementales soudanaises qui se sont rendues coupables d’exactions sur les civils au Darfour. Cela en démontre tout le dysfonctionnement.

Embarras à l’ONU

Dans les couloirs de l’ONU à New York, c’est l’embarras. Tous les départements, y compris celui des enquêtes internes, se renvoient la balle. Au final, le département des opérations de maintien de la paix a demandé une évaluation de la Minuad et a donné un an à cette mission pour se réformer.

Mais il n’y a pas eu de sanctions pour l’instant. En privé, les diplomates onusiens parlent d’un cas particulier, « une mission pourrie », parce que la Minuad est une mission conjointe avec l’Union africaine et que le rôle de l’Union africaine au Darfour semble être de protéger Omar el-Béchir, le président soudanais, avant de protéger les populations civiles.

Il faut dire aussi qu’il y a une quinzaine de jours, un rapport interne de l’ONU a mis en cause très sévèrement les casques bleus dans huit missions, notamment en Afrique. Et ce rapport a conclu que les casques bleus n’interviennent pas suffisamment pour protéger les civils, même lorsqu’ils en ont le mandat par le Conseil de sécurité.

Réponse automatique

On a ainsi l’impression que les casques bleus sont devenus la réponse la plus évidente de la communauté internationale en cas de crise, particulièrement en Afrique. Quand il y a un conflit ou même des tensions, on demande à l’ONU d’envoyer des casques bleus. Leur nombre a été multiplié par six en quinze ans. Près de 120 000 soldats de la paix servent aujourd’hui. Il y a donc une responsabilité du Conseil de sécurité qui se défausse peut-être un peu rapidement sur la question du maintien de la paix.

Un maintien de la paix qui évolue aussi, il faut le noter. Depuis six mois, l’ONU fait appel à des drones en RDC. Il y a eu aussi la création de brigades d’intervention très offensives chargées de traquer les groupes armés, là encore en RDC, dans les Kivu.

Il y a sans doute enfin un malentendu sur le mandat des casques bleus. Ils ne sont pas une armée destinée à combattre.

Ils doivent simplement assurer une présence, surveiller des cessez-le-feu, négocier avec les parties en présence. Ils ne peuvent pas remplacer les forces de sécurité ou les armées locales. C’est pour cela qu’il y a eu un quiproquo au Mali, la semaine dernière, sur l’offensive de Kidal. De même, en Centrafrique, il ne faudra pas attendre des casques bleus, qui vont se déployer en septembre prochain, de rétablir la loi et l’ordre d’un coup de baguette magique. Ce sera beaucoup plus compliqué que cela.

« L’an dernier, nous avons eu 106 casques bleus tués, quasiment un tous les trois jours. Et ce n’est pas seulement l’an dernier, sur les dix ans écoulés ça a été cela. Alors évidemment on peut toujours dans certaines situations dire ‘les casques bleus auraient pu faire ci ou faire ça...' Et quand il y a vraiment des situations anormales, je lance une enquête et nous essayons d’établir les faits et nous en tirons les conséquences. »

Hervé Ladsous, responsable des opérations de maintien de la paix aux Nations unies

 

RFI-  Karim Lebhour 

Tag(s) : #Chronique
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