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Ben-Sékou-Sylla d-C

Le dimanche 27 juin 2010 est une date à marquer d’une pierre blanche en Guinée. Les citoyens, patiemment alignés dans des rangs des heures durant, ont massivement accompli leur devoir civique. Mais plus qu’un devoir, le suffrage universel exprimé dimanche traduit l’engouement et la détermination des Guinéens à librement choisir leurs dirigeants et exercer un regard sur la gestion de leur pays.

 

Si l’attitude des populations est à saluer et féliciter, notre chère CENI, elle continue d’amuser la galerie.

Ce qui est « drôle », ce n’est pas tant sa désorganisation, son manque d’expérience que les arguments qu’elle invoque pour justifier certaines confusions et quelques ratés et sa peur de donner les résultats provisoires.

 

La bouffonnerie de l’interprétation de la loi

 

Dès dimanche nuit, les Guinéens vivant à l’étranger savaient les tendances dans leurs bureaux de vote respectifs. A l’intérieur du pays, dès que les radios privées ont voulu fournir les estimations par l’observation des résultats provisoires dans différentes circonscriptions électorales, elles ont été stoppées net.

Plus de 48 heures après ce scrutin historique qui a connu un taux de participation de plus de 80%, notre « tendre » CENI, n’ayant toujours pas publié les résultats provisoires, bien qu’ayant promis de le faire le mardi, a commencé à s’empêtrer dans des explications « juridiques ».

Ainsi, devant la presse qui était venue connaître les résultats, le Chargé des opérations de la CENI, Pathé Dieng déclare « Les résultats provisoires seront connus demain mercredi conformément à la loi ».

De quelle loi s’agit-il ? Certainement de la nouvelle. Le nouveau code électoral qui en son article 164  dispose que « Le Président de la CENI proclame les résultats provisoires dans un délai maximum de Soixante douze (72) heures ». Ce qui signifie que la CENI devait publier les résultats entre le dimanche et le mercredi.

 

La CENI n’ayant pas respecté le délai qui lui était imparti pour la publication, a fait appel à la Cour Suprême qui a rendu une ordonnance lui accordant un délai supplémentaire de 48 heures. Mais la juridiction suprême s’est trompée de visa. En effet avant de donner les motifs de la prorogation du délai de publication des résultats, la Cour a visé l’article 182 du Code électoral, pour décider d’accorder 48 heures de plus au délai qui était prévu .

Or cet article 182 du Nouveau Code électoral parle du « recensement du vote » et fait référence à l’article 163. Et cet article 163 dit :

« Au vu de tous les procès-verbaux des Commissions Administratives de Centralisation, la CENI effectue le recensement général des votes. 

Si au cours du recensement général des votes, il apparaît que l’incohérence des résultats figurant dans les procès-verbaux rend ceux-ci inexploitables ou si les procès-verbaux sont entachés d’un vice substantiel affectant la sincérité de leur rédaction, le Président de la CENI, après vérification des procès-verbaux de vote, en prononce la nullité par décision formelle.

 

Dans ce cas, le nombre d’inscrits sur les procès-verbaux déclarés nuls n’est pas pris en compte dans la récapitulation générale des votes.

Au terme de cette récapitulation générale, le Président de la CENI dresse un procès-verbal qu’il transmet sans délai à la Cour Constitutionnelle». Certes, cette disposition est très pertinente dans la saisine de la Cour, mais s’agissant du délai, c’est l’article 164 qui est le plus adéquat car dispose que « le Président de la CENI proclame les résultats provisoires dans un délai maximum de Soixante douze (72) heures ».

 

Drôlerie de Ben Sekou Sylla

 

Depuis mardi, la CENI essuie les critiques de différents candidats. Et même si les vraies raisons de l’incapacité de la CENI  à fournir les résultats provisoires ne sont pas clairement expliquées, il est légitime de penser que les contestations en font partie. Ben Sékou Sylla en parle. Mais que dit-il ? « Certains pensent que c’est la CENI qui doit régler les contentieux qui se passent. Or, c’est l’occasion pour moi de dire que la CENI n’a aucun rôle à jouer dans le règlement des contentieux… La CENI est chargée de récapituler les résultats au niveau des bureaux de centralisation, les additionner. Et venir vous livrer les résultats provisoires. Toutes les réclamations, tous les contentieux sont dirigées directement vers la Cour Suprême qui a huit jours pour recueillir toutes ces réclamations et trois jours pour donner son verdict. Et le verdict de la Cour Suprême est sans appel. »

Il est vrai que l’article 184 indique « Si aucune contestation relative à la régularité des opérations électorales n’a été déposée par l’un des candidats au greffe de  la Cour Constitutionnelle  dans les huit (8) jours qui suivent le jour où la première totalisation a été rendue publique, la Cour Constitutionnelle proclame élu le Président de la République…. »

 

En attendant la création de la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême assume son ancien rôle qui est désormais dévolu à une nouvelle institution qui n’est pas encore effective. Mais le contentieux électoral devant la Cour suprême suppose que la CENI a déjà publié les résultats, ce qui n’est pas encore le cas.

Dire que la CENI ne peut rien à ce niveau conduit à penser que Ben Sekou Sylla ne maîtrise pas son rôle et les attributions de la Commission Electorale Nationale Indépendante.

L’article 2 du Nouveau Code électoral substitue la CENI au Ministère de l’intérieur précédemment chargé de l’organisation des élections. Désormais « La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est l’Institution chargée de l’organisation de toutes les élections politiques et du référendum en République de Guinée ».

Par ses propos, Ben Sékou Sylla méconnaît  l’article 163 du nouveau Code électoral précité qui lui donne le pouvoir d’annuler des votes entachés des vices.  Il montre par la même occasion son ignorance de la loi portant création, attribution, composition, organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante qui  permet à la CENI de se saisir de toute question électorale chaque fois qu’elle l’estime nécessaire.

Pour justifier son impossibilité de publier les résultats provisoires, le Président de la CENI nous a dressé un portrait très pittoresque du pays, ce qui selon lui serait la cause du report de publication des résultats, car ayant provoqué des problèmes logistiques.

Ainsi, selon Ben Sékou Sylla les marées font parties des problèmes logistiques de la Basse Guinée car la navigation qui permet de relier les îles au reste du pays est tributaire de ces marées. Cependant, Ben Sékou ne dit pas s’il y avait marée haute qui aurait englouti les pirogues ou bateaux chargés d’acheminer les procès verbaux des circonscriptions situées sur ces îles. Peut être qu’il est plus qu’urgent de résoudre le problème du courant électrique pour permettre à la CENI et à ses démembrements d’aussi communiquer par fax en compléments d’autres moyens de communication comme le téléphone. Il faut que la CENI et les principales institutions républicaines étudient la possibilité d’utiliser des moyens de transports aériens (hélicoptère ou avion) pour atteindre les zones inaccessibles. En moyenne Guinée, il faudrait des échelles dans certaines zones montagneuses pour décrocher les résultats. J’aimerais bien qu’il m’en donne l’adresse pour que je m’y rende avec des appareils photos. Cela doit être très touristique comme endroit. En Haute Guinée, tout comme au Fouta d’ailleurs, l’habitat est dispersé. La Guinée forestière est inaccessible.

Ah ce cher Ben Sékou, s’il n’existait pas, il aurait fallu l’inventer

Quelques ratés ubuesques

Dans l’ensemble les observateurs ont salué le bon déroulement du scrutin. Cependant ils ont constaté quelques irrégularités. C’est ainsi que le Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne (CNOSCG) a constaté quelques imperfections voire des ratés. Certains de ces dysfonctionnements sont directement imputables à la CENI :

-L’éloignement de certains bureaux de vote par rapport aux habitations dans quelques localités de l’intérieur.

- Le PV du bureau de vote N° 7 (Ratoma) ne contenait que la signature du président du bureau de vote.

- Dabondy, dans le bureau de vote N° 116, il a été constaté un écart de 98 voix entre le suffrage exprimé lors du dépouillement et celui retrouvé au moment de la centralisation des résultats (666 au dépouillement et 568 à la centralisation).

- Enta-Marché, dans le bureau de vote 376, deux (2) résultats différents pour le même bureau de vote ont été transmis à la commission de centralisation

- Protestation des membres des bureaux de vote pour insuffisance de la prime accordée est insignifiante mais aussi toute la journée ils n’ont pas reçu d’approvisionnement en nourriture. Certains avaient refusé de rendre leurs résultats au départ (Kaloum, Coyah)

- Certains CECI n’ont pas pris toutes les dispositions pour assurer le ramassage des résultats des bureaux de vote de leurs circonscriptions électorales. Les membres de bureaux de vote ont été obligés d’acheminer eux-mêmes les résultats par leurs propres moyens (Matoto).

- Dar Es Salam, au bureau de vote N° 90, plus de votant que d’inscrit (Inscrits : 357 - votant : 957)
- Banankoroda, le bureau de vote N° 58 a été subdivisé en deux (2) bureaux de vote sans se référer à la CESPI. Les personnes affectées au second bureau de vote n’avaient reçu aucune formation préalable.

- Méconnaissance des opérations de vote et de l’utilisation du matériel électoral.

- Ouverture tardive des bureaux de vote pour cause de méconnaissance de la procédure par certains membres du bureau de vote ou à cause du manque de certains matériels de vote

- Coyah : Détournement du restant du matériel de vote par les membres du bureau de vote.

 

On ne peut pas énumérer toutes les insuffisances, mais parmi les plus rocambolesques, figure certainement la disparition de certaines urnes la nuit pour réapparaître le lendemain. Où ces urnes ont-elles passé la nuit ? Comment y ont-elles été acheminées ? Où étaient les délégués des partis politiques ?

 

Gentille titillation ?

Au vu de ces problèmes et irrégularités, certains partis ont demandé l’annulation de certains votes voire l’annulation des votes de certains bureaux. Mais personne, oh crime de lèse-majesté, n’osera demander l’annulation des votes du bureau N012 de Boulbinet.  C’est le bureau où est inscrit Sékouba, qui apparemment avait la flemme de se déplacer. Deux « gentils flegmatiques » soldats sont venus demander le transfert momentané de ce bureau de vote au palais présidentiel situé à moins de dix minutes, pour que Sekouba et sa garde rapprochée composée entre autres d’un ministre accomplissent leur devoir civique. On croyait pourtant les militaires très sportifs. La CENI, très indépendante et ne devant recevoir l’injonction d’aucune Autorité (suivant l’article 21 de la loi sur la CENI), va s’empresser de provisoirement délocaliser ce bureau de vote pour satisfaire ces militaires qui peut être avaient oublié que l’armée devait voter la veille. C’est la CENI et non les militaires qui en ont fait la demande, qui va donner des justifications à cette situation. Notre cher Président de la CENI va expliquer que la venue de Sekouba et de sa garde rapprochée au bureau de vote aurait pu provoquer une démobilisation des électeurs. Mais Ben Sekou Sylla ne s’est pas une fois dit qu’au contraire, cela aurait pu instaurer ou renforcer un climat de confiance et de respect entre l’armée et les citoyens. Gageons que Sekouba et son staff étaient en plein préparatif de sa récente auto promotion au grade de général des armées.

 

Espérons que le processus démocratique suive son cours naturel et que des dysfonctionnements et insuffisances seront tirées des leçons pour corriger ce qui fonctionne mal.

Ces élections, en attendant les défis que doivent relever l’élu et son équipe, doivent nous faire remémorer tous ceux qui ont lutté et œuvré à l’avènement de la démocratie en Guinée. Ceux qui ont consacré leur vie, leur énergie, leur argent . Une pensée particulière pour ceux qui ne sont plus de ce monde. Parmi les personnes connues hommage à Siradiou Diallo, au Professeur Alfa Sow, à Bah Mamadou et au Dr Ibrahima Fofana. A tous les martyrs de la République. A ceux qui sont tombés lors des évènements de 2006, 2007 et septembre 2009. La solidarité se doit vis-à-vis des victimes qui ont survécu à ces évènements dramatiques de l’histoire de notre Guinée.

Hassatou Baldé  

 

Tag(s) : #Analyse
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