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L’homme d’affaire Diallo Sadakaadji dit ce qu’il pense du procès de l’ « attaque du 19 juillet 2011 » contre la résidence privée d’Alpha Condé, du bilan de celui-ci, de sa vision sur l’avenir de la Guinée, etc.


Laye Diop : M. Diallo, les Guinéens vous prennent pour un opérateur économique et financier prospère et généreux. Il n’est pas exagéré de dire que bien des Sénégalais commencent à leur emboiter le pas. Mais vous parlez peu. Préférez-vous éviter la lumière ?

Diallo Sadakaadji : Je n'ai pas peur de la lumière car je n'ai rien à cacher. Je préfère travailler plus et parler peu. Agir, en effet, est la meilleure façon de s'exprimer. En définitive, ce qui compte c'est moins ce qu'on dit que ce que l'on fait.


Lors de son audition récente dans l'affaire dite du « 19 juillet », le commandant AOB a dit que le procureur de la République lui a demandé de vous mettre personnellement en cause dans l'attaque contre le domicile du président Alpha Condé. Que répondez-vous à cela?

Dans cette affaire montée de toutes pièces, la justice a déjà prononcé un non-lieu à mon endroit. Franchement, comme je l'ai précédemment dit, cette affaire ne me fait ni chaud ni froid. M. Alpha Condé étant en même temps président et procureur de la République, je laisse à chacun le soin d'apprécier l'indépendance du pouvoir judiciaire. Notre professeur de droit ressemble fort à un oppresseur spécialisé dans la manipulation.


Pourtant dans certains journaux africains, sénégalais en particulier, il a été question de votre prochain retour en Guinée, pays que vous avez quitté au lendemain de la victoire annoncée de M. Alpha Condé. Qu'en est-il au juste?

Effectivement, je compte rentrer bientôt en Guinée pour partager les peines de mes concitoyens.


Comptez-vous y jouer un rôle économique ou politique ?

J'ai décidé d'y jouer certainement un rôle majeur. En tant que citoyen guinéen je ne peux rester indifférent au malheur artificiellement entretenu de mes compatriotes que j'ai l'ardente obligation morale d'aider. Soucieux du devenir de mon pays qui s'enfonce chaque jour dans l'abîme à cause de l'incompétence et de la corruption, je compte livrer un nouveau combat pour l'instauration d'une vraie démocratie en Guinée.


Voulez-vous insinuer qu'il n'y a pas encore de démocratie dans votre pays ?

Comme vous le savez il y a eu en 2010 une élection présidentielle avec le résultat que chacun connaît: M. Cellou Dalein Diallo a gagné dans les urnes. Quatre mois plus tard, à l’issue d'un second tour imposé dans un climat de violence à caractère ethno-régionaliste, la présidence est revenue à M. Alpha Condé. Plus de deux ans après cette mascarade, la Guinée n'a toujours pas d'Assemblée nationale. M. Alpha Condé gouverne toujours par décret et se comporte en chef de clan. Il avait promis le changement ; il impose des arrangements qui ne profitent qu'à ce clan.


On dit que vous aviez misé sur le candidat malheureux, M. Cellou Dalein Diallo, dont vous aviez financé très largement la campagne. Regrettez-vous ce choix ?

Non, je ne regrette rien. M. Cellou Dalein a été un candidat plutôt heureux au regard des atouts dont il disposait. Maintenant qu'il a été injustement privé de sa victoire, c'est à lui de dire s'il est malheureux ou pas. Ce qui est fait est fait. Je ne perds pas mon temps à tenter de récupérer une eau versée. Ce qui me préoccupe c'est moins le passé que le présent et l'avenir, la situation actuelle des Guinéens et l'incertitude qui pèse sur leur destin.


Quel bilan faites-vous de la gestion du président Alpha Condé durant les deux années écoulées ?

Il n'est pas nécessaire d'être expert-comptable pour constater l'ampleur de son passif. Alpha Condé est loin d'être un bon gestionnaire de la chose publique. Il est arrivé au pouvoir pour régler personnellement des comptes et remplir ses propres comptes bancaires. Guidé par la haine, il est plus préoccupé par la vengeance que par la justice. Son bilan est entièrement négatif.

Sur le plan interne, c'est toujours le blocage politique et le marasme économique. La transition est permanente et on n'a toujours pas nos « honorables » députés, le dialogue consiste à brandir un gros bâton et à tendre une petite carotte. Le pouvoir d'achat du Guinéen est tellement bas qu'il ne vit plus, il survit dans un océan de misère, d'injustice et de forte criminalité.

Au niveau international, la Guinée n'est pas respectée car sa diplomatie est axée sur la mendicité. Quand un pays tend la main en permanence, ses plus valeureux fils sont enclins à baisser les bras! C'est une honte que la Guinée soit un des Pays Pauvres Très Endettés.


Que faudrait-il donc pour que la Guinée s'en sorte ?

Il faudrait un changement radical de la politique actuelle. Si, avec toutes ses potentialités minières et énergétiques et son capital humain, le pays continue à s'enfoncer dans la misère, c'est que ses dirigeants l'enfoncent. Le problème de la Guinée est celui de sa gouvernance, incarnée en ce moment par Alpha Condé, qui n'a jamais géré quoi que ce soit.


Pourquoi, à votre avis, Alpha Condé va-t-il échouer ?

Alpha Condé a remporté un succès personnel en arrivant au sommet de l'Etat après des décennies de coups tordus. Mais il a déjà échoué en tant que Président de la République. Quand on ne sait pas diriger un pays, on cherche la sortie si on veut rester digne. Pour bien gérer un pays tout dirigeant doit avoir un minimum de qualités : connaitre ce pays, aimer ses concitoyens, s'entourer de compétences, hiérarchiser ses priorités… Or, M. Alpha Condé ne connaît pas la Guinée et n'y dispose d'aucune attache particulière sur le plan affectif ou familial. Il ne se soucie guère du sort des Guinéens. Ses principaux camarades et soutiens sont des étrangers. Il s'est entouré et de vautours qui charcutent la Guinée. Il n'a pour priorité que de s'enrichir par le pillage des recettes minières.


Pensez-vous avoir les qualités requises pour participer au redressement de votre pays ?

Il ne m'appartient pas de citer les qualités qu'on me prête mais je pense que pour la Guinée, comme pour tout autre Etat d'ailleurs, il faut un homme ou une femme ayant, en plus des qualités déjà citées, certaines autres: la capacité d'écoute et d'anticipation, une moralité certaine, la confiance en soi. Dans un monde où tout va vite, un bon dirigeant doit prévoir, réagir vite et juste, prendre des décisions rapides, en collaboration avec des cadres dévoués, compétents, ayant le sens du service public. Surtout, il doit aimer la justice, éviter la corruption. En somme, toutes les qualités qui font défaut au président Alpha Condé qui est devenu, en moins de deux ans, milliardaire sans avoir gagné au loto.


Comment voyez-vous l'avenir de la Guinée dans les prochains mois ?

La Guinée a un chef, elle n'a pas d’Etat véritable. Elle a un gouvernement mais elle est mal gouvernée. M. Alpha Condé l'a précipitée sur les falaises de son incompétence. Il a perdu toute crédibilité auprès des siens, la panique a gagné son propre camp. On ne peut pas tromper tout le monde tout le temps.

Je suis fermement décidé à participer au redressement de mon pays. La Guinée doit être un Etat comme les autres. Regardez des pays comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Ghana qui effectuent, sans publicité agressive, des progrès significatifs dans tous les domaines. Leurs dirigeants sont compétents, n'ont qu'un seul but, celui d'améliorer en permanence le niveau de vie de leurs populations.


Un ou deux mots pour conclure ?

J'en ai quatre, qui sont indissociables: la prière, la paix, le pardon et la prospérité pour chacune des régions que je souhaite unies, solidaires et indivisibles.


Je vous remercie.

C'est à moi de vous remercier. J'ai décidé de m'exprimer régulièrement à partir de maintenant, car j'ai pris la ferme résolution d'être aux côtés et à l’écoute de tous les Guinéens.


Propos recueillis par Laye Diop


Source : n° 831 du quotidien dakarois La Lance, paru le 16/01/2013

Tag(s) : #Interview
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